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Paris 2024 : Comment le CIO tente d’écrire sa propre histoire

Toutes les institutions, publiques comme privées, aiment à écrire leur propre histoire à base de saints fondateurs, de moments glorifiés et d’autres honteusement oubliés. Le Comité international olympique (CIO) ne déroge pas à cette règle pour forger sa propre légende. On peut même dire qu’il y excelle, au point de compliquer la tâche des historiens de profession.
A vrai dire, cette idée d’installer une histoire « vraie » dudit « mouvement olympique » remonte à Pierre de Coubertin lorsqu’il publie sa Campagne de vingt et un ans, en 1909, puis ses Mémoires olympiques, en 1931, six ans après sa démission du CIO.
Ecrits de manière alerte et habile, ces deux ouvrages accordent à Coubertin une place centrale dans le développement des sports en France et de l’olympisme dans le monde, tout en ravalant au second rang d’autres acteurs tout aussi déterminants, que les historiens ne découvrent qu’en croisant des documents avec d’autres archives.
A l’instar du formidable propagandiste que fut Coubertin, il faut reconnaître que le CIO est devenu expert en marketing historiographique depuis la présidence de Juan Antonio Samaranch (1980-2001).
En 1982, un centre d’études olympiques est inauguré à Lausanne (Suisse) pour offrir un accès incomparable à l’impressionnant fonds d’archives et d’ouvrages spécialisés. Le CIO octroie même de généreuses bourses de recherche, mais sans omettre de fixer le cadre des travaux à mener.
Depuis les années 1980, ce centre a aussi recouru à de nombreux historiographes officiellement patentés pour rédiger les livres commémoratifs, et il a adoubé les récits « fabuleux » et les biographies revisitées de Coubertin publiés par des journalistes sportifs et des érudits de par le monde. On aboutit alors à une drôle d’histoire olympique où il n’est jamais question de politique ou d’argent.
Par exemple, telle lettre antisémite de Coubertin est absente du catalogue de ses autographes, de même que sa déclaration en faveur d’Adolf Hitler disparaît de ses bien nommés « textes choisis ». Les liens d’un nombre significatif de membres du CIO avec les dictatures des XXe et XXIe siècles sont passés sous silence. Tout se passe comme si l’institution olympique incarnait l’adage apparu dans les années 1920, selon lequel « on ne mélange pas le sport et la politique ».
Cette formule a d’abord servi les intérêts de ceux qui refusaient tout contrôle démocratique et qui utilisaient la direction des sports pour faire de la politique autrement. On pourrait attendre un contrepoint des anciens cadres et employés du CIO, mais une clause draconienne de confidentialité permet d’anticiper toutes paroles non alignées.
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